Introduction

      L’idée de cet enseignement est de présenter aux étudiants l’avancement de la recherche dans le domaine de l’écologie humaine du point de vue des sciences sociales. L'écologie humaine s'intéresse à comprendre les interactions entre sociétés et milieux. 
Les communautés scientifiques continuent à se questionner de nos jour sur la production de recherches interdisciplinaires fusionnant l’étude de la nature et l’étude des sociétés car, en effet, cette approche devient indispensable pour améliorer la compréhension du monde et des enjeux environnementaux contemporains. 

Notre hypothèse serait que les sociétés transforment et façonnent leurs milieux (environnement) et réciproquement l’environnement contraignent les sociétés à s’y adapter au travers de l’usage et de l’emploi des ressources qui les entourent. Dans chaque milieux, les sociétés trouvent d’autres ressources naturelles quelles soient minérales ou végétales. Cette relation à l’environnement compose l’une des bases du développement des cultures sociales et des civilisations. Au delà de tout déterminisme, les sociétés s’adaptent en employant divers stratégies pour maitriser les contraintes du milieu. Ces stratégies peuvent être d’ordre technique, en développant divers outils pour maitriser le milieu, ou social prenant la forme de faits sociaux tels qu’au travers de rapport de dominations ou de division du travail entre les sujets et les communautés d’une société.  
Chaque société s’organise pour maitriser les milieux et les façonner afin d’en extraire les ressources utiles pour sa subsistance ou pour son développement. Lorsque les sociétés dominantes tendent à exploiter les territoires des sociétés subalternes, elles produisent notamment des injustices environnementales car les sociétés dominées ne bénéficient pas ou peu de ce qui est extrait de leur territoire. Nous nous questionnons donc sur la relation entre les différents acteurs sociaux: les Etats et gouvernements; les élus politiques et représentants; la société civile, composée d’ONG, d’organisations syndicales ou autre; les communautés locales à l’échelle du quartier ou du village. 
Comment les groupes sociaux s’organisent-ils? Quelles sont les structures hiérarchiques? Qui prend les décisions dans un territoire donné? Qui exploite et qui bénéficie des ressources du milieu? 
Notre enseignement se base sur mes recherches menées en Inde. 
Dans les différentes études de cas que nous explorerons, nous constatons que le gouvernement central prend les décisions majeures concernant le développement du territoire. La construction de grand barrages ou la construction des digues le long des grand fleuve sont issus de décisions politiques. Les grands barrages hydroélectriques sont, en Inde, gérés par un consortium entre l’Etat central et des entreprises privées. Nous abordons l'écologie humaine par une approche ethno-géographique, ethno-écologique car nous tentons de décrire comment les sociétés, principalement paysannes, perçoivent, nomment, utilisent, maitrisent,  s’approprient et transforment leur environnement et leurs territoires. 

Les populations locales sont rarement consultées lors de la mise en place de ces aménagements. Les ingénieurs des départements de l’administration se chargent de l’expertise. Au cours de ces expertises, les acteurs tels que la population locale et la société civile sont rarement consultés. C’est finalement l’Etat qui impose les œuvres de développement de façon homogène dans l’ensemble du territoire, sans prendre en compte les particularités locales, les modes de vie des sociétés et leur relation à l’environnement. 
Ces aménagements ont des impacts majeurs sur le milieu et par conséquent les sociétés doivent s’adapter aux changement de leur environnement. 
Alors, pour appréhender cette problématique, nous étudierons dans un premier temps, l'épistémologie des démarches interdisciplinaires visant à associer les sciences sociales et les sciences de la nature. Pour cela nous étudierons les théories développés par les  fondateurs de l'écologie tels que Lamarck, Darwin, Haeckel, ainsi qu'au travers de grands penseurs et philosophes, fondateurs des sciences sociales tels que Claude Lévi-Strauss, Elwin Verrier et d’autres auteurs du XIXème siècle. Au XXème siècle et depuis la seconde guerre  mondiale, nous traversons une remise en question de l’approche initiale de l’ethnologie avec le développant des idées et philosophies post-modernes et post-coloniales. Nous examinerons ce qui dans ces théories se rattachent à la géographie et comment des sciences hybrides ont émergées tels que l’anthropogéographie, l’ethnogéographie,  l’ethnoécologie, l’écoanthropologie, l’écologie du paysage etc... Nous repositionnons donc notre place dans les sciences sociales qui questionnent l'environnement et nous prendrons plus le positionnement de l'écologie politique que celle de l'écologie humaine.
Si la géographie est l’étude de la terre et des hommes alors l’étude des hommes et de leur relation à la terre semble faire aussi partie des sciences de la géographie. Nous postulons que toute culture est en effet étroitement lié à un milieu. Et toute organisation sociale est structurée en fonction des contraintes du milieu. Ainsi la diversité culturelle indique la diversité des milieux dans une région donnée, et vice-versa. 
Dans une seconde partie, nous discuterons de la méthodologie à mettre en oeuvre afin de collecter des données sur le terrain. 
Dans une troisième partie, nous observerons au travers de plusieurs études de cas localisés dans les espaces ruraux et urbains des pays « développés » et « en développement », dans une approche ethnogéographique de l’environnement, comment les sociétés et leurs milieux interagissent. Ces études comprendront notamment l’étude de la relation entre les dévots hindous et le fleuve Narmada, au Madhya Pradesh dans le centre de l’Inde; les interactions entre la tribu Mising et le grand fleuve Brahmapoutre en Assam dans le Nord-est de l’Inde; l’impact de la construction des grands barrages sur le mode de vie et de subsistance de la tribu Adi et de la tribu Mishimi d’Arunachal Pradesh; la sacralité de l’espace dans la perception des tibétains et l’impact de la domination chinoise; l’impact de la christianisation des Nagas sur leur relation au territoire; etc..
Le sous-continent indien est riche de sa diversité ethnolinguistique et de la diversité de ses milieux.  Chaque milieu accueille des groupes ethniques distincts exploitant, suivant des techniques adaptées, le milieu afin de garantir leur subsistance. 
Ainsi, dans le Nord-est de l’Inde, de nombreuses sociétés issues de groupes ethno-linguistiques distincts se rencontrent. D’une part, les peuples Hindo-aryens qui ont remontés le Brahmapoutre et dominent aujourd’hui les territoires des plaines. D’autre part, les peuples, Tibéto-birmans ou Sino-tibétains qui dominent les collines et les montagnes de la région, et dont une partie est descendu dans la plaine. Ces deux grands groupes ethno-linguistiques se distinguent aussi dans leur mode de subsitance (livelihood). Ils se métissent dans la plaine, formant des amalgames culturels qui se réajustent avec le milieu dans lequel ils évoluent. La mondialisation, l’influence du «mainstream india» et le développement tendent à assimiler l’ensemble des populations dans un monde commun. 



Références bibliographiques :

Bonnemaison, Joël
2004, « Géographie Culturelle : cours de l'université Paris IV-Sorbonne 1994-1997 / Joël Bonnemaison » ; établi par Maud Lasseur et Christel Thibault. - 2e édition, Edition CTHS, Paris

Collignon, Béatrice
1996, « Les Inuits : ce qu’ils savent du territoire », L’Harmatan, Paris

Gunnell, Yanni
2009, « Ecologie et sociétés », Armand Colin, Paris

Rabourdin Sabine
2005, Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Ed. Delachaux et Niestlé, Paris