samedi 28 mai 2011

Les liens de l'eau : milieu, société, pouvoir

Mercredi 1er juin 2011 9h30 – 16h30 Université Paris 8 (Salle D143)

ECOLE DOCTORALE EN SCIENCES SOCIALES

Les liens de l’eau :
milieu, société, pouvoir


Journée doctorale
organisée par les laboratoires ERASME et LADYSS
et le rESeau P8
(réseau d’études et échanges en sciences sociales sur l’eau à Paris 8)

avec le soutien de l’ANR WAMAKHAIR

L’eau est l’une des ressources les plus « relationnelles », un aspect dont découle sa capacité d’établir des connexions entre plusieurs domaines du social : le rapport homme/nature, le milieu, les modes d’organisation du territoire, les institutions, les relations de pouvoir, les perceptions culturelles, les systèmes de valeurs et les identités. En partant de cette « vocation » de l’eau vers les approches interdisciplinaires et comparatives, renforcée par son statut d’enjeu crucial et stratégique, au cœur des processus de globalisation, nous avons voulu consacrer un espace de réflexion particulier aux liens multiples que la recherche en sciences sociales peut décrypter « derrière » l’eau. Etudier l’eau signifie étudier plusieurs réseaux sociaux, économiques, culturels ainsi que les divers types de liens et de formes de dépendance qui se nouent autour de l’accès à cette ressource. Initiative récente, le rESeau, a commencé depuis décembre 2010 à réunir dans notre université un ensemble de jeunes chercheurs et d’enseignants qui axent leurs recherches de terrain à partir de l’eau et des liens qu’elle établit dans les dynamiques complexes du monde contemporain.
Cette journée doctorale, organisée par les laboratoires LADYSS et ERASME, mettra en premier plan la présentation des recherches de thèse des jeunes doctorants travaillant dans divers terrains en Afrique, Asie, Amérique Latine, avec l’ambition de susciter un débat commun sur des axes transversaux de lecture du rapport entre ces sociétés et l’eau . Centralisation/décentralisation, hiérarchie/autonomie, rareté et compétition, « modernisation » et savoirs locaux, marchandisation et libéralisation, intervention pour le « développement » : ce sont autant des thèmes que nous souhaitons parcourir dans ce moment de discussion consacré aux liens de l’eau.




Programme

9h30-12h30 : INTRODUCTION et PREMIERE SESSION

9h30–9h45 : ACCUEIL : Alain BERTHO, directeur de l’Ecole Doctorale en Sciences Sociales
INTRODUCTION : Barbara CASCIARRI (ERASME)

9h45-10h30 : Francesco STARO, Doctorant en Anthropologie, ERASME
« Y a-t-il des savoirs traditionnels de l’eau ? Les liens entre utilisation des ressources naturelles et identité ethnique auprès des groupes pastoraux de l’Ethiopie du Sud »

10h30-11h15 : Franz FARDIN, Doctorant en Géographie, LADYSS
«Temps et espace dans l’étude de la gestion des eaux usées. Echelles et technologies dans le sud-est de l’Inde»

11h15-12h00 : Luisa ARANGO, Doctorante en Anthropologie, ERASME
« Interroger la globalisation à partir du local. Comparaison des modes de gestion de l’eau entre les îles de Tuti (Khartoum, Soudan) et Tierra Bomba (Cartagena, Colombie) »

12h00–12h30 : DEBAT sur la 1ERE SESSION : cordonné par Mauro VAN AKEN (Université de Milan)

PAUSE DEJEUNER (12h30-14h00)

14h – 16h30 : DEUXIEME SESSION et CONCLUSIONS

14h00-14h15 : INTRODUCTION : Hugo PILKINGTON (LADYSS)
14h15-14h30: Noha T. HAMZA, Doctorante en Anthropologie, University of Khartoum
« Water Quality, Health and Social Factors : cases studies from Khartoum (Sudan) »

14h30–15h15 : Emilie CREMIN, Doctorante en Géographie, LADYSS
«Gestion des milieux et recompositions territoriales. Le cas de la tribu Mising en bordure du fleuve Brahmapoutre (Assam, Nord-est de l’Inde)»

15h15–16h00 : Maxime LACHAL, Doctorant en Géopolitique, IFG
« Enjeux et tensions autour du nouveau partage de l’eau dans le bassin versant du Lac Tana (Ethiopie) »

16h00 – 16h30 : DEBAT sur la 2E SESSION et CONCLUSIONS: cordonné par David BLANCHON (Université de Nanterre)

vendredi 20 mai 2011

Conclusion du Cours

La diversité des études de cas exposés par les étudiants montrent que sur tous les continent et dans tous les Etats, de nombreux peuples restent des minorités souvent peu prises en considération dans l'établissement des limites territoriales. En effet, les territoires des peuples sont souvent partagés entre plusieurs Etats tels que pour les Yanomamis partagés entre Brésil et Vénézuela ; les Touaregs dont l'espace nomadisé couvre le Mali, l'Algérie, le Burkina Faso et d'autres pays frontaliers ; les Pygmés partagés entre le Gabon, le Cameroun...

Ces peuples connaissent d'important changements sociaux liés à la transformation des milieux dont ils ont longtemps extraits leurs moyens de subsistances.
Ces transformations sont souvent liées à l'intervention de compagnies étrangères sur leurs territoires pour l'exploitation des ressources naturelles (extraction du bois, privatisation de l'eau) ou minières (extraction d'uranium au Niger et en Mongolie, de l'argent en Bolivie ou de l'orpaillage en Amazonie, par exemple).
Ces changements sociaux s'expriment souvent par un changement radical du mode de subsistance pour les communautés qui passent d'un mode de vie nomade, de chasse et de cueillette, de culture sur brûlis, d'agriculture paysanne... à un mode de vie s'intégrant en marge de la société industrielle où s'imposent un système d'éducation et de classes sociales souvent difficile à surmonter pour des peuples à culture orale.
Nous pourrions ainsi poursuivre le débat autour des injustices environnementales en analysant les inégalités socio-spatiales dans les milieux urbains.

Ce cours tient donc à pousser les étudiants à réfléchir et à questionner ces changements sociaux, à les analyser, à les remettre en question et à réfléchir de manière critique.
Il ne s'agit pas d'idéaliser et de romantiser les modes de vie des peuples mais d'étudier de manière précise ces changements sociaux en s'appuyant sur les ethnosciences, les savoirs géographiques vernaculaires et les systèmes ontologiques (perceptions et représentations du monde, de l'humain et du non-humain).
Cette démarche demande à l'enquêteur de se décentrer pour parvenir à comprendre le monde perçu et vécu par l'autre.

Les étudiants pourront approfondir en lisant les oeuvres de Hérodote, Rousseau, Reclus, Durkheim, Lévi-Strauss, Evans-Pritchard, Michel Foucault, Bourdieu, Bruno Latour, Descola, Vivieiros Do Castro et bien d'autres chercheurs de tous les Pays. Au delà du monde des penseurs et philosophes de l'occident, il s'agit surtout d'entendre la voix des peuples pour comprendre l'importance du lien au territoire. Nous appréhendons ainsi la géographie des autres.

vendredi 13 mai 2011

Séance 10 - 13/5/2011 : Barrages dans le Nord-est de l'Inde

Documentaire sur les barrages dans le Nord-est de l'Inde :




Documentaire sur le mouvement d'opposition aux barrages dans la vallée du Dibang :



jeudi 5 mai 2011

Séance 9- 6/05/2011 : Mise au point méthodologique pour l'étude Ethnogéographique

Mise au point méthodologique pour l'étude Ethnogéographique

Savoirs géographiques vernaculaires et territoires en mutations


La première étape du cours s'est intéressée à la mise en place d'une problématique générale issue d'études en ethnogéographie de l'environnement. Il était notamment question d'étudier des enjeux et des conflits autour des ressources naturelles convoitées dans le cadre d'extractions industrielles (de bois, d'énergie, d'eau, etc...) dans les territoires de communautés "subalternes", de minorités ou de peuples dits "autochtones", "pueblos indigenos" de l'Amérique latine, "peuples premiers" du canada ou Tribus de l'Inde etc...

L'étape suivante serait d'essayer d'approfondir la notion des savoirs géographiques vernaculaires, afin d'arriver à mieux appréhender la perception qu'ont les peuples de leur territoire.

Comprendre la perception qu’ont les sociétés des objets géographiques et de leurs territoires.
Rendre compte du savoir géographique vernaculaire d’une culture orale.
Démarche entreprises par des géographes et des ethnologues pour élargir la compréhension des comportements des hommes vis à vis de l’environnement.
La géographie se situe au cœur de la construction des identités collectives.
Compréhension des dynamiques de redéfinitions culturelles, identitaires, spatiales en cours.
Afin d’apporter des éléments de réflexion sur l’évolution contemporaine des sociétés. Toutes les minorités connaissent aujourd’hui, une phase de profonde mutation culturelle qui affecte aussi le contenu de leurs savoirs géographiques.

Le cas des Inuits étudier par A. Leroi-Gourhan  puis par B. Collignon expose avec clarté l’intérêt de l’etude des savoirs géographiques vernaculaires pour comprendre les transformations socio-spatiales en cours.
Comparaison entre différentes minorités, peuplant différents milieux et toutes confrontés à des cultures allogènes dominantes.

Démarche ethnogéographique comprenant une géographie des perceptions et une géographie culturelle. 
La notion d’espace vécu fut d’abord définie par A. Frémont 1976 dans une géographie de des perceptions  pour laquelle, les hommes vivent leurs rapports à l’espace en fonction de leur sensibilité, de leur histoire et de leur psychologie propres. Représentation individuelle et collective de l’espace
Prise en compte de l’expérience subjective dans l’étude des représentations hommes-lieux, compréhension des modalités d’anthropisation des milieux physiques.
Représentations individuelles et collectives, qui permettent d’identifier les aspects culturels du rapport au milieu.  

Géographie culturelle de P. Claval 1995
Fondements culturels de la relation à l’espace et au milieu, insiste sur les valeurs attribuées à l’espace par ceux qui l’habitent, sur les pratiques et la transmission des héritages.

Pour Collignon, un savoir géographique peut se définir comme un ensemble de connaissances qui, mobilisées conjointement, fournissent à ceux qui le produisent une interprétation cohérente de l’œcoumène ou d’une partie de celui-ci.


I. Etude de l’organisation sociale d’un groupe (peuple, minorité etc…) 

Introduction et contexte
Introduction 

a-    Définir les particularité de la communauté en question

Particularités de la minorité en question
Groupe ethno-linguistique
Répartition de la communauté dans un espace par rapport aux autres groupes sociaux
Démographie
Organisation socio-spatiale (dépend du type de société de chasseurs, chasseurs-ceuilleurs, pasteurs nomades, essarteurs, agriculteurs…)
Activités productives
Cycles agricoles, cycles du nomadisme
Système d’occupation du territoire
Territoire, identité et appropriation


b-    Administration du territoire allogène

Processus de sédentarisation
Encadrement administratif
Nouvelle répartition de la communauté

II. Méthode et sources 

a-    L’approche des connaissances non discursives : observation participante / enquête et entretiens

L’enquête toponymique
L’analyse de la tradition orale
Sources écrites : recueils
Sources orales

b-    Cartographie autochtone

Les techniques cartographiques ont permis le développement de revendications territoriales, d'une géographie culturelle et d'une gestion des ressources (Harley and Woodward, 1987 ; Harley, 1988 ; Peluso, 1995). Elles ont produit plusieurs travaux remarquables : Nunavut Atlas (1992), Wet’suwet’sen and Gitxsan (Sparke, 1998). La cartographie biographique (MS Weinstein) s'est même appuyée sur la perception autochtone de l'histoire et de ses traditions.
Sur le plan conceptuel, les traditions multiples ou alternatives de cartographie ont été soutenues, à divers degrés, par des géographes (Chapin et al., 2001; Harley and Woodward, 1987; Lewis, 1998; Louis, 2004; Pearce, 1998; Rundstrom, 1987; Sparke, 1998; Woodward and Lewis, 1998). Toutefois, la cartographie autochtone étant transmises par les chansons, les histoires, les rituels ou des expériences vécues (telle que la chasse), elle est rarement reconnue comme une représentation cartographique à part entière.
Comme Rundstrom (1998) le fait observer, la cartographie dite scientifique se fonde sur des principes cartésiens et newtoniens dont l'épistémologie s'accommode mal des caractéristiques de la pensée autochtone : non-anthropocentrisme, concept cyclique du temps, construction des connaissances géographiques plus synthétique qu'analytique, pensée non binaire, imbrication des faits et des valeurs, emphase sur la transmission orale, omniprésence de l'éthique dans les actions portées sur un territoire. Jay T. Johnson, Renee Pualani Louis et Albertus Hadi Pramono (2006) s'appuient sur les travaux de Paulo Freire (2000) pour commencer une lecture critique des valeurs cartographiques implicites, par les Aborigènes.
Un aspect des projets cartographiques autochtones illustre bien cette problématique : la perte d'informations dans la transcription de frontières fixes (Brody, 1982; Chapin, 1998; Chapin et al., 2001; Fox, 1998; Kosek, 1998; Peluso, 1995; Rundstrom, 1998). Tandis que les communautés autochtones admettent des frontières souples et mouvantes pour l'usage des ressources, la fixation de limites définitives par la cartographie occidentale impose un carcan à un mode de pensée plus flexible et fluide. Tobias (2000) a tenté de dépasser ce clivage en introduisant la distinction entre terres occupées et utilisées (générant des superpositions de cartes).

Voici ci dessous un texte à consulter sur la démarche de la cartographie des territoires autochtones:
Chapin, M., Lamb, Z. Threlkeld, B., 2005, "Cartographier les territoires autochtones", In: Annu. rev. Anthropol., 34, URL: http://www.iapad.org/publications/ppgis/chapin_cartographier_les_territoires_autochtones_fr.pdf

Hirt, I., 2009, « Cartographies autochtones. Éléments pour une analyse critique », in: L'Espace
géographique 2/2009 (Volume 38), p. 171-186.



III. Caractérisation des savoirs géographiques : des pratiques et des récits

Les pratiques : déplacements et activités
            Des connaissances techniques
                        L’orientation
                        La reconnaissance du terrain
                        La maîtrise d’un vocabulaire géographique spécifique
            La compréhension des écosystèmes
            Un espace vécu, une pratique affective

La tradition orale
            Une explication de l’Univers et de la vie humaine
                        Cosmogonies
                        Origines de la vie et de l’humanité
                        Mise en ordre du monde
            Un mode d’emploi du territoire
                        Explications de configurations topographiques
                        Pratique du territoire
            La géographie de l’espace vécu

La perception du territoire : essai de reconstruction

La part de la mémoire : de l’espace parcours à l’espace historique

Toponymes définies selon le peuple : distribution spatiale et problèmes d’interprétation

Répartition spatiale
Interpréter les toponymes, paroles
                        
Modalités d’organisation du savoir
         Une mobilisation conjointe des connaissances géographiques
                        Toponymies et récits
                        La part de la pensée animiste, chamaniste
            L’expression du savoir géographique

Les catégories opératoires du savoir géographique
            Un espace de relations
Un espace relatif
Un espace subjectif

Catégories géographiques, catégories culturelles
            La structure de la langue
                        Une langue de la description, une langue particularisante
                        Une langue de la relation et de la subjectivité

L’organisme social
            
CCL

IV. Mutations contemporaines et savoirs géographiques

Des sociétés en profonde mutation : la fin des chausseurs cueilleurs, l’allongement des cycles de défriche brûlis…

L’adoption de nouvelles pratiques agricoles
La tertiarisation et les emplois salariés
Transformation des savoirs géographiques, transformation des relations au territoire
Crises des modalités traditionnelles de transmission des savoirs
Des savoirs menacés

Facteurs exogènes : développement des centres urbains

Implantation de centre missionnaires (toutes religions) => Processus de conversion religieuse
Développement territorial pour un désenclavement : introduction des services publics (écoles, hôpitaux, ANPE…) => abandon des modes de transmission traditionnels et développement de la dépendance à l’Etat, paupérisation par le chômage/ dépression/ alcoolémie… etc… déstructuration des liens sociaux et spatiaux…
Implantation d’entreprises privées : ONG, tours opérateurs (hôtellerie)
Implantation de commerces => L’abandon de certains savoirs-faire locaux : artisanat, tissage, ceuillette => abandon des capacités d’autonomies et d’autosubsistance

Processus de transformation sociale et spatiale

Disparition des milieux, disparition des langues = homogénéisations
Transformations sociales
Vers l’élaboration d’un nouveau savoir géographique
Retour aux sources
Patrimonialisation, muséification
Créations de réserves indigènes
Folklorisation et développment du tourisme
Réinvention de la tradition
Nouvelles pratiques de l’espace
Usage des transports collectifs, ou des transports privés
Développement industriel

Conclusion générale/ morale de l’histoire

Bibliographie : 

Claval, P, 1995, La Géographie culturelle, Nathan, Paris

Collignon B., 1996, « Les Inuits : ce qu’ils savent du territoire », Editions Géographie et cultures, L’Harmattan, Paris

Frémont, A, 1976, La Région, espace vécu, Paris, Flammarion, 1976

Leroi-Gourhan, 1945, Milieu et techniques, Paris, Albin Michel