samedi 28 mai 2011

Les liens de l'eau : milieu, société, pouvoir

Mercredi 1er juin 2011 9h30 – 16h30 Université Paris 8 (Salle D143)

ECOLE DOCTORALE EN SCIENCES SOCIALES

Les liens de l’eau :
milieu, société, pouvoir


Journée doctorale
organisée par les laboratoires ERASME et LADYSS
et le rESeau P8
(réseau d’études et échanges en sciences sociales sur l’eau à Paris 8)

avec le soutien de l’ANR WAMAKHAIR

L’eau est l’une des ressources les plus « relationnelles », un aspect dont découle sa capacité d’établir des connexions entre plusieurs domaines du social : le rapport homme/nature, le milieu, les modes d’organisation du territoire, les institutions, les relations de pouvoir, les perceptions culturelles, les systèmes de valeurs et les identités. En partant de cette « vocation » de l’eau vers les approches interdisciplinaires et comparatives, renforcée par son statut d’enjeu crucial et stratégique, au cœur des processus de globalisation, nous avons voulu consacrer un espace de réflexion particulier aux liens multiples que la recherche en sciences sociales peut décrypter « derrière » l’eau. Etudier l’eau signifie étudier plusieurs réseaux sociaux, économiques, culturels ainsi que les divers types de liens et de formes de dépendance qui se nouent autour de l’accès à cette ressource. Initiative récente, le rESeau, a commencé depuis décembre 2010 à réunir dans notre université un ensemble de jeunes chercheurs et d’enseignants qui axent leurs recherches de terrain à partir de l’eau et des liens qu’elle établit dans les dynamiques complexes du monde contemporain.
Cette journée doctorale, organisée par les laboratoires LADYSS et ERASME, mettra en premier plan la présentation des recherches de thèse des jeunes doctorants travaillant dans divers terrains en Afrique, Asie, Amérique Latine, avec l’ambition de susciter un débat commun sur des axes transversaux de lecture du rapport entre ces sociétés et l’eau . Centralisation/décentralisation, hiérarchie/autonomie, rareté et compétition, « modernisation » et savoirs locaux, marchandisation et libéralisation, intervention pour le « développement » : ce sont autant des thèmes que nous souhaitons parcourir dans ce moment de discussion consacré aux liens de l’eau.




Programme

9h30-12h30 : INTRODUCTION et PREMIERE SESSION

9h30–9h45 : ACCUEIL : Alain BERTHO, directeur de l’Ecole Doctorale en Sciences Sociales
INTRODUCTION : Barbara CASCIARRI (ERASME)

9h45-10h30 : Francesco STARO, Doctorant en Anthropologie, ERASME
« Y a-t-il des savoirs traditionnels de l’eau ? Les liens entre utilisation des ressources naturelles et identité ethnique auprès des groupes pastoraux de l’Ethiopie du Sud »

10h30-11h15 : Franz FARDIN, Doctorant en Géographie, LADYSS
«Temps et espace dans l’étude de la gestion des eaux usées. Echelles et technologies dans le sud-est de l’Inde»

11h15-12h00 : Luisa ARANGO, Doctorante en Anthropologie, ERASME
« Interroger la globalisation à partir du local. Comparaison des modes de gestion de l’eau entre les îles de Tuti (Khartoum, Soudan) et Tierra Bomba (Cartagena, Colombie) »

12h00–12h30 : DEBAT sur la 1ERE SESSION : cordonné par Mauro VAN AKEN (Université de Milan)

PAUSE DEJEUNER (12h30-14h00)

14h – 16h30 : DEUXIEME SESSION et CONCLUSIONS

14h00-14h15 : INTRODUCTION : Hugo PILKINGTON (LADYSS)
14h15-14h30: Noha T. HAMZA, Doctorante en Anthropologie, University of Khartoum
« Water Quality, Health and Social Factors : cases studies from Khartoum (Sudan) »

14h30–15h15 : Emilie CREMIN, Doctorante en Géographie, LADYSS
«Gestion des milieux et recompositions territoriales. Le cas de la tribu Mising en bordure du fleuve Brahmapoutre (Assam, Nord-est de l’Inde)»

15h15–16h00 : Maxime LACHAL, Doctorant en Géopolitique, IFG
« Enjeux et tensions autour du nouveau partage de l’eau dans le bassin versant du Lac Tana (Ethiopie) »

16h00 – 16h30 : DEBAT sur la 2E SESSION et CONCLUSIONS: cordonné par David BLANCHON (Université de Nanterre)

vendredi 20 mai 2011

Conclusion du Cours

La diversité des études de cas exposés par les étudiants montrent que sur tous les continent et dans tous les Etats, de nombreux peuples restent des minorités souvent peu prises en considération dans l'établissement des limites territoriales. En effet, les territoires des peuples sont souvent partagés entre plusieurs Etats tels que pour les Yanomamis partagés entre Brésil et Vénézuela ; les Touaregs dont l'espace nomadisé couvre le Mali, l'Algérie, le Burkina Faso et d'autres pays frontaliers ; les Pygmés partagés entre le Gabon, le Cameroun...

Ces peuples connaissent d'important changements sociaux liés à la transformation des milieux dont ils ont longtemps extraits leurs moyens de subsistances.
Ces transformations sont souvent liées à l'intervention de compagnies étrangères sur leurs territoires pour l'exploitation des ressources naturelles (extraction du bois, privatisation de l'eau) ou minières (extraction d'uranium au Niger et en Mongolie, de l'argent en Bolivie ou de l'orpaillage en Amazonie, par exemple).
Ces changements sociaux s'expriment souvent par un changement radical du mode de subsistance pour les communautés qui passent d'un mode de vie nomade, de chasse et de cueillette, de culture sur brûlis, d'agriculture paysanne... à un mode de vie s'intégrant en marge de la société industrielle où s'imposent un système d'éducation et de classes sociales souvent difficile à surmonter pour des peuples à culture orale.
Nous pourrions ainsi poursuivre le débat autour des injustices environnementales en analysant les inégalités socio-spatiales dans les milieux urbains.

Ce cours tient donc à pousser les étudiants à réfléchir et à questionner ces changements sociaux, à les analyser, à les remettre en question et à réfléchir de manière critique.
Il ne s'agit pas d'idéaliser et de romantiser les modes de vie des peuples mais d'étudier de manière précise ces changements sociaux en s'appuyant sur les ethnosciences, les savoirs géographiques vernaculaires et les systèmes ontologiques (perceptions et représentations du monde, de l'humain et du non-humain).
Cette démarche demande à l'enquêteur de se décentrer pour parvenir à comprendre le monde perçu et vécu par l'autre.

Les étudiants pourront approfondir en lisant les oeuvres de Hérodote, Rousseau, Reclus, Durkheim, Lévi-Strauss, Evans-Pritchard, Michel Foucault, Bourdieu, Bruno Latour, Descola, Vivieiros Do Castro et bien d'autres chercheurs de tous les Pays. Au delà du monde des penseurs et philosophes de l'occident, il s'agit surtout d'entendre la voix des peuples pour comprendre l'importance du lien au territoire. Nous appréhendons ainsi la géographie des autres.

vendredi 13 mai 2011

Séance 10 - 13/5/2011 : Barrages dans le Nord-est de l'Inde

Documentaire sur les barrages dans le Nord-est de l'Inde :




Documentaire sur le mouvement d'opposition aux barrages dans la vallée du Dibang :



jeudi 5 mai 2011

Séance 9- 6/05/2011 : Mise au point méthodologique pour l'étude Ethnogéographique

Mise au point méthodologique pour l'étude Ethnogéographique

Savoirs géographiques vernaculaires et territoires en mutations


La première étape du cours s'est intéressée à la mise en place d'une problématique générale issue d'études en ethnogéographie de l'environnement. Il était notamment question d'étudier des enjeux et des conflits autour des ressources naturelles convoitées dans le cadre d'extractions industrielles (de bois, d'énergie, d'eau, etc...) dans les territoires de communautés "subalternes", de minorités ou de peuples dits "autochtones", "pueblos indigenos" de l'Amérique latine, "peuples premiers" du canada ou Tribus de l'Inde etc...

L'étape suivante serait d'essayer d'approfondir la notion des savoirs géographiques vernaculaires, afin d'arriver à mieux appréhender la perception qu'ont les peuples de leur territoire.

Comprendre la perception qu’ont les sociétés des objets géographiques et de leurs territoires.
Rendre compte du savoir géographique vernaculaire d’une culture orale.
Démarche entreprises par des géographes et des ethnologues pour élargir la compréhension des comportements des hommes vis à vis de l’environnement.
La géographie se situe au cœur de la construction des identités collectives.
Compréhension des dynamiques de redéfinitions culturelles, identitaires, spatiales en cours.
Afin d’apporter des éléments de réflexion sur l’évolution contemporaine des sociétés. Toutes les minorités connaissent aujourd’hui, une phase de profonde mutation culturelle qui affecte aussi le contenu de leurs savoirs géographiques.

Le cas des Inuits étudier par A. Leroi-Gourhan  puis par B. Collignon expose avec clarté l’intérêt de l’etude des savoirs géographiques vernaculaires pour comprendre les transformations socio-spatiales en cours.
Comparaison entre différentes minorités, peuplant différents milieux et toutes confrontés à des cultures allogènes dominantes.

Démarche ethnogéographique comprenant une géographie des perceptions et une géographie culturelle. 
La notion d’espace vécu fut d’abord définie par A. Frémont 1976 dans une géographie de des perceptions  pour laquelle, les hommes vivent leurs rapports à l’espace en fonction de leur sensibilité, de leur histoire et de leur psychologie propres. Représentation individuelle et collective de l’espace
Prise en compte de l’expérience subjective dans l’étude des représentations hommes-lieux, compréhension des modalités d’anthropisation des milieux physiques.
Représentations individuelles et collectives, qui permettent d’identifier les aspects culturels du rapport au milieu.  

Géographie culturelle de P. Claval 1995
Fondements culturels de la relation à l’espace et au milieu, insiste sur les valeurs attribuées à l’espace par ceux qui l’habitent, sur les pratiques et la transmission des héritages.

Pour Collignon, un savoir géographique peut se définir comme un ensemble de connaissances qui, mobilisées conjointement, fournissent à ceux qui le produisent une interprétation cohérente de l’œcoumène ou d’une partie de celui-ci.


I. Etude de l’organisation sociale d’un groupe (peuple, minorité etc…) 

Introduction et contexte
Introduction 

a-    Définir les particularité de la communauté en question

Particularités de la minorité en question
Groupe ethno-linguistique
Répartition de la communauté dans un espace par rapport aux autres groupes sociaux
Démographie
Organisation socio-spatiale (dépend du type de société de chasseurs, chasseurs-ceuilleurs, pasteurs nomades, essarteurs, agriculteurs…)
Activités productives
Cycles agricoles, cycles du nomadisme
Système d’occupation du territoire
Territoire, identité et appropriation


b-    Administration du territoire allogène

Processus de sédentarisation
Encadrement administratif
Nouvelle répartition de la communauté

II. Méthode et sources 

a-    L’approche des connaissances non discursives : observation participante / enquête et entretiens

L’enquête toponymique
L’analyse de la tradition orale
Sources écrites : recueils
Sources orales

b-    Cartographie autochtone

Les techniques cartographiques ont permis le développement de revendications territoriales, d'une géographie culturelle et d'une gestion des ressources (Harley and Woodward, 1987 ; Harley, 1988 ; Peluso, 1995). Elles ont produit plusieurs travaux remarquables : Nunavut Atlas (1992), Wet’suwet’sen and Gitxsan (Sparke, 1998). La cartographie biographique (MS Weinstein) s'est même appuyée sur la perception autochtone de l'histoire et de ses traditions.
Sur le plan conceptuel, les traditions multiples ou alternatives de cartographie ont été soutenues, à divers degrés, par des géographes (Chapin et al., 2001; Harley and Woodward, 1987; Lewis, 1998; Louis, 2004; Pearce, 1998; Rundstrom, 1987; Sparke, 1998; Woodward and Lewis, 1998). Toutefois, la cartographie autochtone étant transmises par les chansons, les histoires, les rituels ou des expériences vécues (telle que la chasse), elle est rarement reconnue comme une représentation cartographique à part entière.
Comme Rundstrom (1998) le fait observer, la cartographie dite scientifique se fonde sur des principes cartésiens et newtoniens dont l'épistémologie s'accommode mal des caractéristiques de la pensée autochtone : non-anthropocentrisme, concept cyclique du temps, construction des connaissances géographiques plus synthétique qu'analytique, pensée non binaire, imbrication des faits et des valeurs, emphase sur la transmission orale, omniprésence de l'éthique dans les actions portées sur un territoire. Jay T. Johnson, Renee Pualani Louis et Albertus Hadi Pramono (2006) s'appuient sur les travaux de Paulo Freire (2000) pour commencer une lecture critique des valeurs cartographiques implicites, par les Aborigènes.
Un aspect des projets cartographiques autochtones illustre bien cette problématique : la perte d'informations dans la transcription de frontières fixes (Brody, 1982; Chapin, 1998; Chapin et al., 2001; Fox, 1998; Kosek, 1998; Peluso, 1995; Rundstrom, 1998). Tandis que les communautés autochtones admettent des frontières souples et mouvantes pour l'usage des ressources, la fixation de limites définitives par la cartographie occidentale impose un carcan à un mode de pensée plus flexible et fluide. Tobias (2000) a tenté de dépasser ce clivage en introduisant la distinction entre terres occupées et utilisées (générant des superpositions de cartes).

Voici ci dessous un texte à consulter sur la démarche de la cartographie des territoires autochtones:
Chapin, M., Lamb, Z. Threlkeld, B., 2005, "Cartographier les territoires autochtones", In: Annu. rev. Anthropol., 34, URL: http://www.iapad.org/publications/ppgis/chapin_cartographier_les_territoires_autochtones_fr.pdf

Hirt, I., 2009, « Cartographies autochtones. Éléments pour une analyse critique », in: L'Espace
géographique 2/2009 (Volume 38), p. 171-186.



III. Caractérisation des savoirs géographiques : des pratiques et des récits

Les pratiques : déplacements et activités
            Des connaissances techniques
                        L’orientation
                        La reconnaissance du terrain
                        La maîtrise d’un vocabulaire géographique spécifique
            La compréhension des écosystèmes
            Un espace vécu, une pratique affective

La tradition orale
            Une explication de l’Univers et de la vie humaine
                        Cosmogonies
                        Origines de la vie et de l’humanité
                        Mise en ordre du monde
            Un mode d’emploi du territoire
                        Explications de configurations topographiques
                        Pratique du territoire
            La géographie de l’espace vécu

La perception du territoire : essai de reconstruction

La part de la mémoire : de l’espace parcours à l’espace historique

Toponymes définies selon le peuple : distribution spatiale et problèmes d’interprétation

Répartition spatiale
Interpréter les toponymes, paroles
                        
Modalités d’organisation du savoir
         Une mobilisation conjointe des connaissances géographiques
                        Toponymies et récits
                        La part de la pensée animiste, chamaniste
            L’expression du savoir géographique

Les catégories opératoires du savoir géographique
            Un espace de relations
Un espace relatif
Un espace subjectif

Catégories géographiques, catégories culturelles
            La structure de la langue
                        Une langue de la description, une langue particularisante
                        Une langue de la relation et de la subjectivité

L’organisme social
            
CCL

IV. Mutations contemporaines et savoirs géographiques

Des sociétés en profonde mutation : la fin des chausseurs cueilleurs, l’allongement des cycles de défriche brûlis…

L’adoption de nouvelles pratiques agricoles
La tertiarisation et les emplois salariés
Transformation des savoirs géographiques, transformation des relations au territoire
Crises des modalités traditionnelles de transmission des savoirs
Des savoirs menacés

Facteurs exogènes : développement des centres urbains

Implantation de centre missionnaires (toutes religions) => Processus de conversion religieuse
Développement territorial pour un désenclavement : introduction des services publics (écoles, hôpitaux, ANPE…) => abandon des modes de transmission traditionnels et développement de la dépendance à l’Etat, paupérisation par le chômage/ dépression/ alcoolémie… etc… déstructuration des liens sociaux et spatiaux…
Implantation d’entreprises privées : ONG, tours opérateurs (hôtellerie)
Implantation de commerces => L’abandon de certains savoirs-faire locaux : artisanat, tissage, ceuillette => abandon des capacités d’autonomies et d’autosubsistance

Processus de transformation sociale et spatiale

Disparition des milieux, disparition des langues = homogénéisations
Transformations sociales
Vers l’élaboration d’un nouveau savoir géographique
Retour aux sources
Patrimonialisation, muséification
Créations de réserves indigènes
Folklorisation et développment du tourisme
Réinvention de la tradition
Nouvelles pratiques de l’espace
Usage des transports collectifs, ou des transports privés
Développement industriel

Conclusion générale/ morale de l’histoire

Bibliographie : 

Claval, P, 1995, La Géographie culturelle, Nathan, Paris

Collignon B., 1996, « Les Inuits : ce qu’ils savent du territoire », Editions Géographie et cultures, L’Harmattan, Paris

Frémont, A, 1976, La Région, espace vécu, Paris, Flammarion, 1976

Leroi-Gourhan, 1945, Milieu et techniques, Paris, Albin Michel

samedi 30 avril 2011

Séances 6 et 8 : Etude de cas- Assam: Tribu Mising et Brahmapoutre


Cours 6 - 1er avril et 7 - 29 avril: Etude de cas- Assam: Tribu Mising et Brahmapoutre

1 La plaine alluviale du Brahmapoutre : interaction entre processus naturels et interventions humaines

1.1 Hydrosystème fluvial, évènements hydrologiques et tectoniques majeurs dans la plaine du Brahmapoutre en Assam
1.2 Politiques de gestion des inondations
1.3 Construire ou déconstruire les aménagements fluviaux

2 Un mode de subsistance ajusté aux rythmes du Brahmapoutre : pratiques agricoles et habitat

2.1 Typologie des cultures du riz dans la subdivision de Dhakuakhana
2.2 Structure des villages et de l'habitat

3 Ruptures de digues et processus de recomposition territoriales

3.1 Conséquences de la rupture d'une digue dans la Subdivision de Dhakuakhana : paupérisation des habitants de la plaine
3.2 Règlementations administratives territoriales et redéfinition du territoire Mising
3.3 Mobilité des villages et recompositions territoriales

Conclusion

Séance 5- 25/03/11 : Le fleuve sacré Narmada et le lieu saint d'Omkareshwar



Les grands projets hydrauliques et leurs dérives - Varia

« Les temples de l’Inde moderne » : un grand barrage dans un lieu saint de la Narmada (Madhya Pradesh)



La Narmada, l’un des fleuves sacrés de l’Inde, est évoquée comme la manifestation d’une « Déesse Mère » dans les croyances hindoues et tribales. Ses rives sont marquées par de nombreux géosymboles tels que des temples, révélant la vénération de la Narmada et de Shiva, deux divinités en interaction. La succession des symboles religieux, remarquables dans le paysage de la vallée le long du chemin de pèlerinage, témoigne de l’ampleur de la dévotion des pèlerins et de l’importance spirituelle de cet espace. Néanmoins, ce grand fleuve est actuellement en cours de transformation en raison de l'aménagement d'un vaste réseau de barrages hydroélectriques. Située sur une île au cœur du fleuve sacré, le lieu saint appelé « Omkareshwar » est l’un des douze sanctuaires des Jyotilingas, une représentation divine de Shiva que des milliers de dévots shivaïtes viennent contempler chaque année. Dans ce site, un grand barrage à été inauguré en Juillet 2007. A présent, ce centre de pèlerinage s’intègre dans le projet de développement de la vallée de la Narmada. L’opposition aux grands barrages se manifeste à Omkareshwar comme dans toute l’Inde en raison des impacts de ces infrastructures sur les milieux naturels, sur les villages situés en amont et sur les espaces sacrés. Les différents acteurs présents autour du site perçoivent différemment ce barrage. Les pèlerins hindous et les touristes indiens expriment leur satisfaction tandis que les populations déplacées, les mouvements environnementalistes et les partis conservateurs hindous remettent en question cette œuvre du développement.

Mots clefs: Inde, recompositions territoriales, Narmada, Paysages sacrés, grand barrage
Keywords : India, Narmada, sacred landscape, large dam, territorial restructuring.

Plan

Le fleuve sacré Narmada et le lieu saint d’Omkareshwar

La Narmada : mythologie d’un fleuve sacré
Le « Narmada Parikrama » : un pèlerinage le long du fleuve
Omkareshwar, une ville sainte de la Narmada
Le grand barrage d’Omkareshwar : un projet de développement dans l’intérêt de la Nation indienne
Le projet de développement de la vallée de la Narmada et le barrage d’Omkareshwar
Le processus du développement industriel contribue à la prospérité du site sacré
Des impacts sociaux, environnementaux et spirituels vivement dénoncés
Un projet de « développement » dénoncé par les mouvements sociaux et les ONG environnementalistes
Impacts sociaux sur les villages situés en amont du barrage
La dénonciation par les partis hindous des impacts sur l’espace sacré
Conclusion

Aperçu du début du texte
L’aménagement hydraulique des grands fleuves indiens fut développé par les ingénieurs de l’Empire britannique dès la fin du XIXe s. À la suite de l’indépendance de l’Inde en 1947, le gouvernement central s’approprie la technologie des barrages nécessaires à la construction d’une nation émergente. L’édification de grands barrages est encouragée afin de valoriser et de planifier le contrôle complet des grands fleuves indiens et de leurs affluents, l’objectif étant d’exploiter leur principale ressource naturelle : l’eau.
Le projet de développement de la vallée de la Narmada (NVDP- Narmada Valley Development Project) a été élaboré de 1947 à 1961 par le gouvernement central, l’État du Madhya Pradesh et l’État du Gujarat pour produire de l’hydroélectricité et faciliter l’alimentation en électricité et en eau des villes et des zones industrielles. Dans le cadre de ce qui allait devenir la « révolution verte », ces infrastructures hydrauliques permettaient d’aménager de grands réseaux d’irrig (...)

Géocarrefour, vol. 84/1-2, 2009, [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2012.
URL : http://geocarrefour.revues.org/index7252.html. Consulté le 29 mars 2011.

4ème Séance- 18/03/2011 :Tribus et Castes en Asie du Sud: Perceptions de la « nature » et enjeux environnementaux


Tribus et Castes en Asie du Sud: Perceptions de la « nature » et enjeux environnementaux

L’ethnographie coloniale, convaincue que les tribus étaient les premières peuplades de l’Inde, les ont considérés comme les plus purs représentants des Dravidiens, avant les métissages liés à l'arrivée des peuples indo-européens. Aujourd’hui encore, l’étude des tribus privilégie souvent l’approche biologique, comme en témoignent certains travaux de l' Anthropological Survey of India, dont l’Atlas de 1994 regroupe les tribus en fonction de la taille de leurs crânes ou leur profil. En fait, les tribus sont des groupes organisés selon un système de parenté, qui en se reproduisant dans l’histoire ont certes conservés certains caractères physiques, mais c’est surtout à partir de critères tels  que la langue ou le mode de vie écologique que l’on peut les définir. Toutefois, il faut démystifier l’idée selon laquelle les tribus vivaient en isolat : ont sait aujourd’hui que certains aborigènes , tels les Gonds ou les Bhils, ont participé à la formation comme à la chute de grands empires (Carrin, 1996).

 L'Asie du Sud est composée de 6 Etats : l'Inde, le Bangladesh, le Pakistan, le Népal, le Bhoutan, le Sri-Lanka. Notre étude se concentre sur l'Union Indienne, nation unique et démocratique, où toutes les minorités autochtones ont droit à la reconnaissance et au développement de leur culture tel qu'inscrit dans la constitution indienne de 1950, sur la Protection et les intérêts des minorités : " Tout groupe de citoyen résidant sur le territoire de l'Inde ou sur toute partie de celui-ci et ayant une langue, une écriture ou une culture distinctes aura le droit de les conserver". L'une des devises indiennes est l'"Unité dans la diversité" et les citoyens de l'Inde se considèrent comme les membres de la "plus grande démocratie du monde".I.        Les tribus dans la société indienne 

Recensement de 1991 donne la liste de 400 tribus différentes, regroupant au total plus de 67 millions d’individus, soit 8,1 % de la pop indienne (contre 5,3 en 1951 et 3 % en 1971). Aujourd’hui, plus de la moitié de la population tribale vit encore dans les ceintures forestières et les régions rurales de l’Est et du centre de l’Inde (Bengal occidental, Bihar Madhya Pradesh et Orissa) ; 20% d’entre elles se trouvent dans les Etats de l’Ouest (Gujarat, Rajasthan, Maharashtra) et 6% dans le Sud.
Le Nord-est de l’Inde est également composé d’une part importante de populations classées dans les catégories de tribus.
On peut identifier plusieurs groupes ethnolinguistiques en Inde dont les populations du groupe tibéto-birman au nord-est de l’Inde,  les groupes parlant des langues austroasiatiques, et les groupes du sud de l’Inde, de langue Dravidiennes.

I.1  Comment déterminer les tribus de l'Inde?
a) Les "adivasis", « premiers occupants du sol » - dans le centre de l'Inde
Les tribus de l’Inde se désignent et sont désignées de plusieurs manières selon les régions du sous-continent : 

        "adivasis", formé du terme hindi adi , « commencement » , et vasi, « résident de », signifie littéralement « aborigènes » : les adivasi sont les « premiers occupants du sol ». Cette expression fut forgée dans les années 30 par les leaders des tribus Munda du Bihar et n’est bien sûr pas neutre ; l’affirmation du caractère autochtone des tribus recouvre en effet d’autres éléments du discours adivasis, tels que l’exploitation dont ont été victimes les populations tribales à l’époque coloniale et leurs revendications d’égalité par rapport aux castes hindoues. Dés les années, 1930, des Mundas et des Oraons répandirent l’idée que les populations tribales, an tant que premier occupants du sol, s’opposaient à bon droit aux population hindo-aryennes, les hindous qui , de leur coté sous l’influence des idées brahmaniques, considéraient les adivasis comme des jungli, des « sauvages », ce statut de hors caste revenant souvent les assimiler aux intouchables.Fig. : Répartition des populations tribales en Inde. Source: A social and economic atlas of IndiaDelhiOxford University Press, 1987 (Jaffrelot, 1996).

b) Les tribus tibéto-birmanes et austro-asiatiques du Nord-est de l'Inde
 Dans le Nord-est de l’Inde, la prise de conscience identitaire des tribus a souvent été liée au mouvement protestants évangéliques. Sous l’influence des missionnaires, elles ont peu à peu rejeté le pouvoir traditionnel des chefs et leurs jeux d’influence avec les Britanniques et exprimé un  désir de représentation politique.
c)  Les peuples tibéto-birmans himalayens

I. 2 Les tribus dans une société de castes
I.3 Classifications de la constitution indienne de 1950
De fait, après l’indépendance, l’Assemblée constituante a reconnu la nécessité de classer les tribus dans une catégorie parallèle aux intouchables, sous la désignation  scheduled tribes (qui fait pendant aux scheduled castes), qui s’applique à des populations caractérisées par l'etat comme étant d' "un état de développement inférieur" et auxquels l’Etat accorde certains avantages.

II. Relation entre les tribus et les milieux : perceptions, usages



II.1 Perception des milieux par les tribus


II.2 Usages des milieux et modes de subsistance

 Les modes de subsistance de ces différentes tribus ne sont pas identiques. on peut distinguer: 



 - les chasseurs-ceuilleurs ( Chenchu,  Yanadi, Malapantaram de l’Andhra Pradesh, les Birhor du Bihar…);



- les sociétés pratiquant l'essartage ou le système rotatif de défriche-brûlis (Jena Kurumba, Urali qui habitent la forêt, et les groupes peuplant les collines du Nord-est de l’Inde); 



- les éleveurs transhumant pratiqué principalement par les peuples himalayens; 



- les éleveurs itinérants pratiqué dans les plaines arides du Nord-ouest de l'Inde (tels que les Bhils du Madhya-Pradesh, Rajasthan, Gujarat); 


- les agriculteurs sédentarisés dont certains groupes ont dominé des Etats princiers dans le passé et pratiquent souvent souvent une forme d’agriculture sédentaire ; tel que les Raj Gond ou les Murias de l’Inde centrale, des Apa Tani et des Tanggkul du Nord-est, Khasi du Meghalaya, Santal du Bengal se distinguant par leurs savoirs faire en matière d’irrigation.

Les différents milieux biophysiques auxquels il sont attachés occupent une place considérable dans l’imaginaire des tribus, y compris chez ceux qui l’ont quitté. Le défrichement de nouvelles terres de manière collective reste un souvenir dans le récit et les traditions orales. 
Or, bien des tribus habitant la forêt sont menacés par les lois visant à freiner la déforestation et les privent de leurs terres alors qu’elles pratiquent l’agriciulture sur brûlis ou le travail du bois, comme les pahari de l’Uttar pradesh et les Gond du Madhya Pradesh. 

III. Tribus et enjeux environnementaux
Les groupes tribaux ont, à chaque époques, revendiqués leur identité et leur appartenance à un territoire pour lequel ils menèrent des guerres. Les récits de ces guerres sont contés dans les grandes épopées du Mahabaratha et du Ramayana.
Plus récemment, au cours de l'époque coloniale, en 1922, les Bhils du Rajasthan se soulevèrent et fondèrent leurs propre royaume.

III. 1 Mouvements sociaux des tribaux

Mouvement de Naxalbari et mouvements maoistes 

Joël Cabalion, « Maoïsme et lutte armée en Inde contemporaine », La Vie des idées, 9 mars 2011. ISSN : 2105-3030.

Carte des "districts affectés par le mouvement Naxalite", 2007 source : Wikipédia



A lire : Arundhati Roy "Walking with the Comrades" publiée dans OutlookIndiale 29 mars 2010

Version anglaise (VO)
Version traduite en français



 A écouter: 
Mermet Daniel, « Inde : La dernière Guérilla », in Là-bas si j’y suis, Janvier 2010, URL : http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1831








II.2 Autonomies territoriales et formation de nouveaux Etats dans l’Union Indienne


Depuis son indépendance, l'Inde a été à la demande de certaines minorités soumise, à une série de réorganisation de sa carte politique qui a dû faire place à de nouveaux Etats linguistiques correspondant à plusieurs communautés ethnolinguistiques, parfois suite à des mouvements insurectionnels.  



Revendications territoriales, Territoires autonomes


En 1962, est créé l'Etat du Nagaland pour les tribus tibéto-birmanes des Naga, et en 1972, la réorganisation du Nord-est créés les Etats de Meghalaya, Mizoram, Arunachal Pradesh pour d'autres tribus tibéto-birmanes ou môn-khmères. 

En 2000, sont créés les Etats du Jarkhand et le Chattisgarh pour les tribus Munda et dravidiennes du Deccan. 

En 2003, un accord donne une autonomie aux Bodo (tibéto-birmans) de l'Assam. 


II.3 Émergence de nouveaux conflits autour des ressources naturelles et des territoires


Mouvements sociaux contre les Zones Economiques Spéciales (ZES)

Conclusion: 

En Inde, le concept de "tribu" est issu d'une perception coloniale de la société. 
Les mouvements de revendications des basses castes et des "tribus" exprime une volonté d'émancipation de populations souvent laissé en marge des bénéfices du développement. 
Une contradiction persiste entre lutte de "classes sociales" revendiqué par les tribus maoïste du centre de l'Inde et lutte "ethnicisé" dans le cadre des mouvements de revendications territoriales. Le droit à l'autodétermination n'implique pas forcément l'idéologie égalitaire de justice sociale et le partage accepté des ressources pour lesquels les Dalits se mobilisent. 



Bibliographie :

Carrin, Marine
1996, « Les tribus de l’Inde : repli identitaire et mouvements insurrectionnels », In : L’Inde Contemporaine de 1950 à nos jours, Chap XIX Fayard, Paris, pp. 421-440

Jaffrelot, Christophe (sous la direction)
2002, Castes et tribus : résistance et autonomie dans la société Indienne, volume 23 de Purusartha, Paris 2002. 
1996, L’Inde Contemporaine de 1950 à nos jours, Fayard, Paris

Haimendorf, 
"Tribes of India" 



Lardinois, Roland
1988, Miroir de l'Inde: Etudes indiennes en sciences sociales, Ed. de la Maison des Sciences de l'Homme Paris, 392p.